Circonscription d’inspection du 1er degré
de Bandraboua

Bandraboua, Mayotte – Sous un ciel chargé, dont les averses intermittentes semblaient partager la tristesse du souvenir, l’école primaire Ousseni MOGNE 2 a vibré vendredi 25 avril au rythme poignant de la commémoration de l’esclavage. Devant un parterre d’élèves, d’enseignants et de parents, l’établissement dirigé par INSSA Issouf Ben a choisi cette dernière journée avant les vacances de mai pour honorer la mémoire des victimes de l’esclavage à Mayotte, une pratique qui a marqué l’histoire de l’île, notamment à travers le système d’engagisme.
La matinée a été structurée en deux temps forts, orchestrés avec une sensibilité remarquable par l’équipe pédagogique. Le préau de l’école s’est transformé en théâtre improvisé où les jeunes élèves, issus de différentes classes, ont livré des saynètes poignantes. Ces courtes pièces ont mis en lumière des récits d’esclaves à Mayotte, avec un accent particulier sur la période de l’engagisme. Les enfants ont incarné avec émotion ces travailleurs exploités, souvent venus du Mozambique, qui œuvraient dans des conditions inhumaines dans les plantations, notamment dans les usines sucrières. L’évocation de l’usine de Dzoumogné, dont les travailleurs n’étaient bien souvent pas rémunérés pour leur labeur éreintant, a particulièrement marqué les esprits.
Il est essentiel que nos jeunes générations comprennent ce pan sombre de notre histoire. À travers ces saynètes, ils ne se contentent pas d’apprendre des faits, ils les vivent, ils ressentent une part de la souffrance endurée par ces hommes et ces femmes."
Le second temps de cette commémoration a pris la forme d’un défilé empreint de dignité. Les différentes classes, arborant des costumes soigneusement préparés, ont parcouru les abords de l’école depuis le collège de Dzoumogné (symbole de cette période difficile car ancienne usine sucrière) jusqu’à leur école. Les enseignants et les parents accompagnaient ces jeunes porteurs de mémoire, tandis que le partenariat avec la mairie de Bandraboua assurait la sécurité de l’événement grâce à la présence des agents de la police municipale et des ASVP.
La pluie, fine mais persistante, a semblé accompagner le cortège musical haut en couleur, comme si le ciel lui-même pleurait les milliers de vies fauchées par l’esclavage dans les champs et les usines de Mayotte. L’histoire rappelle que si la déportation massive d’Africains a touché de nombreuses régions, Mayotte n’a pas été épargnée. L’engagisme, présenté fallacieusement comme un engagement "volontaire", a en réalité perpétué une forme d’exploitation brutale. Des individus étaient "achetés", notamment au Mozambique, car considérés comme plus résistants et dociles que la main-d’œuvre locale, que certains exploitants jugeaient peu enclin au travail forcé.
Cette journée de commémoration à l’école Ousseni MOGNE 2, sous l’impulsion de son directeur INSSA Issouf Ben, témoigne de la volonté de Mayotte de se confronter à son passé douloureux et de transmettre aux jeunes générations le devoir de mémoire. Un pas essentiel pour construire un avenir où de telles injustices ne se reproduisent jamais.